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Le monde (entretien RTE Jan 23) - Transition énergétique : le défi d’une électrification de la France d’ici à 2050

 
“il va falloir que les filières – dans le nucléaire, les énergies renouvelables et les infrastructures – montent en cadence de façon spectaculaire pour absorber le choc à venir du remplacement des énergies fossiles consommées sur le territoire.”Thomas Veyren, RTE, 2023
 
“RTE reprend l’hypothèse d’une rupture sociétale majeure envisagée dans la stratégie nationale bas carbone en 2015 : un mouvement de sobriété des particuliers et des entreprises an de baisser de 40 % leurs propres consommations globales d’énergie.”
“Une stratégie énergétique nationale se fondant sur une fourchette de consommation domestique annuelle d’électricité de 750 térawattheures [TWh] à 800 TWh en 2050 ferait courir à notre pays nettement moins de risques que le point moyen de 645 TWh qui a été retenu», a jugé l’ancien PDG d’EDF (2014-2022) Jean-Bernard Lévy devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, en décembre 2022
Un vertige accentué par la situation actuelle d’EDF : l’année 2022 a été catastrophique, avec un parc nucléaire en carafe au point que RTE avait dû émettre, au début de l’hiver, une série d’alertes sur les risques de coupures localisées. En 2022, le nucléaire a ainsi représenté une production totale de 279 TWh, en baisse de 22,7 % par rapport à 2021, au plus bas depuis trente ans
 
RTE
  • société anonyme – EDF à hauteur de 50,1 %, la Caisse des dépôts et consignations pour 29,9 % et CNP Assurances, filiale de La Banque postale, pour 20 % –
  • dont les actionnaires n’ont pas, en vertu de la loi, la possibilité de peser sur les choix clés, contrôlés par la CRE.
  • Une entreprise dont l’essentiel des recettes est déterminé après négociation avec ladite CRE pour fixer les tarifs d’utilisation des réseaux publics électriques, dits Turpe.
  • Comme les autres entreprises de l’énergie, RTE va donc devoir embaucher. Au minimum, 800 recrutements en 2023. «Les besoins du secteur vont passer de 600 000 à 800 000 personnes d’ici à 2030», souligne Benoît Coze, responsable de la formation interne chez RTE, en faisant visiter le campus flambant neuf où sont formés les techniciens et les cadres de l’entreprise, à Jonage (Rhône), en banlieue de Lyon. Peut-être, un jour, aussi des étudiants recrutés directement après le baccalauréat. La direction y réfléchit discrètement. Le XXIe siècle sera electrique.
 
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JULIEN GOLDSTEIN POUR « LE MONDE »
FactuelL’exigence d’une diminution drastique de la consommation d’énergies fossiles sur le territoire nécessite la mise en place d’un plan énergétique et industriel dont RTE, Petit Poucet du secteur, sera, par ses missions, l’un des acteurs-clés.
Le XXIe siècle sera électrique, ou ne sera pas. Thomas Veyrenc, ingénieur de CentraleSupélec et diplômé de Sciences Po, pilote les prévisions parmi les plus sensibles en France. Sous sa direction, au cœur du quartier de La Défense, à Paris, 150 ingénieurs et économistes analysent des quantités considérables de données, économiques, sociétales, météorologiques, physiques, minières, hydrologiques, climatiques, industrielles, afin d’éclairer les choix énergétiques de la France pour les prochaines décennies. « Une machine à simuler », dit-il dans un sourire.
Son employeur, dont il est directeur exécutif stratégie et prospective, est une entreprise habituellement discrète, sinon secrète, à la gouvernance atypique, à l’actionnariat dormant, longtemps demeurée dans l’ombre de la puissante EDF, mais dont le poids stratégique va s’accentuer avec la dramatisation des enjeux énergétiques et l’engagement de décarbonation du pays d’ici à 2050.
Bienvenue chez RTE, pour Réseau de transport d’électricité, 9 500 salariés, 106 000 kilomètres de lignes à très haute tension, 250 000 pylônes, plus de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires et la mission d’anticiper les avenirs énergétiques, exercice aussi délicat que stratégique, qu’il s’agisse des éventuelles coupures d’électricité de l’hiver 2022-2023 ou du visage de la France dans vingt ans.

« Les pédagogues d’une société décarbonée »

En fin d’entretien, quand la prudence s’estompe un peu, malgré les deux conseillères en communication mobilisées, Thomas Veyrenc livre son intime conviction, colonne vertébrale de la prochaine étude de RTE, qui devrait à nouveau bousculer les débats d’ici à juin : la France doit se préparer urgemment à un plan massif d’électrification et donc à des choix industriels drastiques dans un temps très court.
Car il va falloir que les filières – dans le nucléaire, les énergies renouvelables et les infrastructures – montent en cadence de façon spectaculaire pour absorber le choc à venir du remplacement des énergies fossiles consommées sur le territoire.
Sur le site de l’interconnexion électrique France-Espagne, à Baixas (Pyrénées-Orientales), le 19 janvier 2023. JULIEN GOLDSTEIN POUR « LE MONDE »
C’était déjà, en partie, l’objet des travaux publiés par RTE en octobre 2021, sous le nom de « Futurs énergétiques 2050 ». Soit près de 1 000 pages d’anticipation, denses, argumentées, des scénarios envisageables pour que le pays atteigne son objectif de neutralité carbone, bien au-delà des débats habituels entre chapelles concurrentes sur le nucléaire, le pétrole, le gaz ou les énergies renouvelables. Ces travaux avaient, très distinctement, formé la charpente du discours du chef de l’Etat, Emmanuel Macron, le 10 février 2022, à Belfort, lors de ses annonces sur la politique énergétique française et la relance du nucléaire.
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